Après avoir été acclamée à Broadway en 2019, puis au Young Vic Theatre à Londres en 2022, la nouvelle version d’Oklahoma! de Daniel Fish débarque dans le West End au Wyndham’s Theatre et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’elle ne laisse pas indifférent.
Mais revenons d’abord sur l’œuvre originelle (d’après la pièce de 1931, Green Grow The Lilacs de Lynn Riggs) présentée pour la première fois en 1943 au public américain. C’est aussi la première collaboration entre Richard Rogers pour la Musique et Oscar Hammerstein II pour les Lyrics et le livret (suivront entre autres Carousel, South Pacific, The King & I, ou encore The Sound of Music). La pièce se situe en 1906 et raconte l’histoire de Laurey Williams et de ses deux prétendants, Curly McLain séduisant et séducteur cow-boy et son rival Jud Fry, taiseux fermier. Will Parker, autre cow-boy un peu simplet forme le couple secondaire du show avec Ado Annie, qui flirte de son côté avec Ali Hakim, un colporteur persan.
Le show est connu pour ses belles mélodies (Oh What a Beautiful Morning, People Will Say We’re in Love), et connu un record d’audience avec 2212 représentations au St James Theatre détrôné seulement en 1956 par My Fair Lady.
Revenons donc à notre version actuelle qui, sans toucher (ou presque) au livret ou au Lyrics arrive à nous proposer un show complètement moderne, et beaucoup plus sombre.
Tout d’abord le décor: Brut. Toute la scène est placardée de bois clair sur lequel sont accrochés de nombreux fusils de chasse. Les comédiens étant autour d’une grande table. Et oui, la pièce a déjà commencé mais la lumière, forte et froide, ne s’est pas éteinte. Et elle restera allumée pendant presque toute la durée. L’effet en sera d’autant plus fort lorsque le noir total nous sera imposé pendant de très longues minutes, dans cette scène très intime entre Curly et Jud, nous montrant un Curly beaucoup plus cruel et sadique que l’original. Les deux comédiens sont épatants de sincérité. Arthur Darvill (Curly) nous propose un personnage moins lisse, plus fourbe, et très sexy, mimant même parfois un certain Elvis dans sa façon de bouger et de chanter. Patrick Vail est un Jud Fry très difficile à cerner, inquiétant mais aussi touchant. Il a eu le temps de bien travailler son personnage puisqu’il est dans le Cast depuis le début de l’aventure en 2007 lorsque le show n’était qu’une production montée pour le Bard College alors qu’il n’avait que 21 ans. Le second comédien à ne pas être nouveau dans l’aventure est le très drôle James Patrick Davis qui vient du Cast original de Broadway et qui reprend son rôle de Will Parker dans son duo comique avec Georgina Onuorah. Dans la version de Broadway le personnage de Ado Annie était joué par Ali Stroker, première comédienne en fauteuil roulant à monter sur scène à Broadway (Spring awakening) et qui a remporté un Tony Award pour le rôle. Sa version que l’on peut entendre dans l’album sorti en 2019 était très country, à la différence de celle d’Onuorah qui nous propose encore une autre vision (ou sonorité) du rôle beaucoup plus R’n’B/Soul qui déménage, notamment dans la chanson I Can’t Say No.
Parlons ensuite de la musique. Ici, pas de gros orchestre mais 8 musiciens et leur banjo, violon, mandoline, guitare, violoncelle ou encore accordéon qui forment le parfait groupe de country, donnant une toute autre dimension à la partition tant connue. Le deuxième acte commence aussi par son long ballet de 15 min. Mais exit la chorégraphie d’Agnès de Mille pourtant très moderne. Peut-être la partie la plus complexe du show. Un ballet contemporain (du chorégraphe John Heginbotham) fait donc place sur une musique faite de guitare électrique très saturée à faire trembler les murs, littéralement. Un moment très oppressant mais qui permet de prendre conscience du cauchemar vécu par le personnage de Laurey, ici joué par Anoushka Lucas (son alter ego étant interprété par la danseuse Marie-Astrid Mence). Loin de la gentille petite fille ingénue décrite par Rogers & Hammerstein, Laurey est ici un personnage bien plus sombre, fataliste, perdue dans ses sentiments.
On pourrait en dire encore beaucoup plus mais laissons la surprise à celles et ceux qui voudraient découvrir l’œuvre. Cette production paraît tellement loin de l’originale (sans être pour autant un désaveu) qu’elle pourrait être considérée comme une nouvelle œuvre à part entière et pourrait facilement être rebaptisée Sexy Oklahoma! ou Dirty Oklahoma!
VML
Oklahoma! au Wydham's Theatre de Londres, jusqu'au 2 septembre 2023
L'histoire :
Oklahoma au début du 20ème siècle. Curly se rend chez la tante Eller où il espère convaincre la nièce de cette dernière, la jolie Laurey Williams,
d’être sa cavalière lors de la soirée dansante qui aura lieu dans les heures qui viennent. Laurey fera semblant de ne pas être interressée en lui disant que son cavalier sera Jud Fry à qui
elle avait déjà fait cette promesse. Will Parker, un cow-boy du coin tout content d’avoir pu gagner une somme d’argent suffisante pour pouvoir épouser la dévergondée Ado Annie revient de Kansas
City, et raconte à ses amis sa virée en ville où il s’est trouvé confronté à la civilisation. Lorsqu’il retrouve sa fiancée chez Tante Eller, elle est accompagnée d’un colporteur persan, Ali
Hakim, à qui elle a promis le mariage ; mais elle ne se souvient plus l’avoir déjà fait à Will, ayant la mémoire d’un poisson rouge et étant incapable de dire non à n’importe quel garçon. Plus
tard, tous les habitants se rendent à la fête du village. Qui de Curly, Will, Ali ou Jud arriveront à s’attirer les faveurs de Ado Annie et Laurey ?
Photos De La Production
Représentation du 23 février 2023
Livret: Oscar Hammerstein II
music: Richard Rodgers
Lyrics: Oscar Hammerstein II
Mise en scène: Daniel Fish
Chorégraphie: John Heginbotham
Décors: Lael Jellinek, Grace Laubacher
Costumes: Terese Wadden
Lumières: Scott Zielinski
Direction musicale: Huw Evans
Les personnages:
Curly McLain: ARTHUR DARVILL
Laurey Williams: ANOUSHKA LUCAS
Jud Fry: PATRICK VAILL
Will Parker: JAMES PATRICK DAVIS
Ado Annie: GEORGINA ONUORAH
Ali Hakim: STAVROS DEMETRAKI
Aunt Eller: LIZA SADOVY
Mike: RAPHAEL BUSHAY
Andrew Carnes: GREG HICKS
Gertie Cumming: HELEN K WINT (à cette représentation)
Cord Elam: PHILLIP OLAGOKE
Lead Dancer: MARIE-ASTRID MENCE
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Evelyne (dimanche, 05 mars 2023 16:22)
Critique enrichissante qui donne envie de voir cette comédie musicale. Si cette production passe par Paris, je prends ma place direct! A bon entendeur…